[3 questions à]… Yves Godeau
Yves Godeau, président de l’association Agir pour un Tourisme Responsable (ATR). Les voyagistes d’ATR proposent des séjours respectueux de l’environnement, des populations locales visitées et porteurs d’une éthique de partage et d’échange. Un grand nombre de prestataires d’ATR proposent des voyages d’affaires, des voyages incentive notamment. Ils semblent parvenir à conjuguer le tourisme d’affaires aux valeurs du tourisme durable.
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TER. Selon vous, le tourisme d’affaires est-il en cohérence avec les valeurs d’ATR et le tourisme durable ?
Yves Godeau. : Un principe que nous défendons, quelle que soit la branche d’activité dans laquelle on travaille, c’est qu’il y a toujours une façon de pratiquer des activités qui va dans le sens du développement durable. Le tourisme durable, ce n’est pas un absolu, c’est une démarche volontaire qui intègre la notion de progrès. On peut avoir des pratiques professionnelles qui sont plus durables et le tourisme d’affaires en fait partie. La perfection ne sera jamais atteinte, il n’y a pas de limite dans la notion de progrès, on peut toujours s’améliorer dans le domaine du développement durable. Il n’est pas concevable de penser qu’une branche économique puisse ne pas s’impliquer dans le développement durable. Je ne vois pas pourquoi la notion de développement durable, qui ne signifie pas un « non-développement », serait incompatible avec le tourisme d’affaires. Le développement durable est une démarche de progrès, donc par essence, tourisme durable et tourisme d’affaires ne sont pas contradictoires.
TER. Comment proposer une offre de tourisme d’affaires durable ?
YG. Le tourisme d’affaires est consommateur de transports aériens. Il s’agit par exemple de compenser les émissions carbone induites par ces trajets… Ce sont des pratiques qui commencent à se généraliser et qui ont une réelle portée. Et puis, pourquoi ce qui serait valable dans un autre type de tourisme, ne serait pas applicable aussi pour le tourisme d’affaires ?
En ce qui concerne l’incentive, je ne vois pas pourquoi les opérateurs du tourisme d’affaires ne pourraient pas faire pression auprès des hôteliers pour avoir des hébergements avec des éco-pratiques par exemple… On peut aussi agir en évitant de réaliser ces voyages dans des endroits écologiquement fragiles, en ne saccageant pas le paysage avec les grands groupes liés au tourisme d’affaires. Il convient aussi que les visiteurs remettent en état les sites après leur passage. Ce dernier point est d’ailleurs l’un des critères pour la certification ATR. En somme, il s’agit d’avoir des pratiques professionnelles plus durables, et cela, tous les secteurs du tourisme peuvent y participer.
TER. Quelles sont les limites de l’implication du tourisme d’affaires dans le développement durable ?
YG. Le tourisme durable ne propose forcément pas tout à fait les mêmes prix que le tourisme d’affaires « classique » qui va chercher à proposer des prix les plus bas possible. Mais le prix n’est pas toujours une limite. La limite est plus dans la volonté des opérateurs à entrer davantage dans une concurrence qui pousserait à être plus compétitifs pour être présents sur les marchés.
Toutefois, le tourisme durable a aussi des contreparties intéressantes (nouvelles cibles, éthique, valeurs du développement durable…). De plus, il ne faut pas perdre de vue que très prochainement, il y aura une demande de plus en plus soutenue de la part des clientèles pour consommer durable. Il faudra être réactif, car le tourisme d’affaires n’échappera pas à la tendance… Les visiteurs, de plus en plus formés et exigeants, réclament toujours plus d’authenticité, de qualité et de respect des personnes et des sites.
Ces clientèles ne sont pas très importantes aujourd’hui, car la demande en termes de durabilité dans le tourisme est faible ; pour l’instant, il s’agit encore d’un marché de niche. Mais cette tendance va se renforcer progressivement et devenir de plus en plus significative d’ici à 10 ans
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Contact : ATR – AGIR Pour un Tourisme Responsable – www.tourisme-responsable.org
Article publié dans TER Durable n°8. Par Delphine Berlioux.