Vers une meilleure reconnaissance des Pygmées au Congo ?

Les Pygmées, peuples autochtones, sont considérés comme les premiers habitants de la région d’Afrique centrale, représentent 10% de la population congolaise, soit environ 300.000 habitants. Les Pygmées connaissent divers problèmes sur le plan socio-économique, ils sont victimes de nombreuses discrimination et d’exploitation économique et ont un accès limité aux services sociaux de base (santé, éducation). Leur condition est préoccupante, il est important d’agir en leur assurant un accès équitable aux services sociaux, tout en respectant leur culture et leurs traditions. Depuis peu, les initiatives se multiplient pour leur venir en aide et permettre la sauvegarde de ce peuple.

Les Pygmées, premier peuple de la forêt

Peuple nomade, il vit dans les forêts tropicales du Congo depuis des « milliers d’années » et alimente de nombreuses légendes. Peuple monogame et monothéiste, caractérisé par sa petite taille due à une adaptation morphologique au milieu dans lequel ils vivent, ils ont une connaissance poussée de la forêt et sont avant tout des chasseurs-cueilleurs pacifistes. Les Pygmées Mbuti furent les premiers habitants du Congo. La principale tribu restante se nomme les Baka et représente actuellement environ 1,14 % de la population Congolaise. Ils vivent dans les régions du Likouala, de la Sangha et notamment de la Lékoumou qui abrite 29,1 % de l’effectif national des Pygmées. Leurs habitats traditionnels sont des huttes appelées « mongulu » fabriquées à l’aide de branchages et de feuillages, construites principalement par les femmes. Différents rites comme le rite « d’initiation des hommes » ainsi que la musique, la danse et la connaissance des plantes médicinales sont l’âme essentielle de leur culture.

Les problèmes d’un peuple marginalisé…

Victimes de stigmatisation, d’exclusion et de marginalisation, la situation socio-économique de ces peuples demeure préoccupante. «Cette situation est due entre autres, à un manque d’accès aux services sociaux de base non seulement à cause des difficiles conditions géographiques mais aussi à cause de la discrimination sociale. La couverture en services de santé, la scolarité, l’enregistrement des naissances, pour ne citer que ces domaines, présentent tous des chiffres inférieurs de moitié ou des deux tiers à la population générale», déclare Marianne Flach, représentante de l’UNICEF au Congo.

Les peuples autochtones figurent parmi les groupes les plus vulnérables au Congo. Selon l’UNICEF, 40% des enfants autochtones souffrent de la malnutrition chronique contre 26% pour la population générale. Les études réalisées par l’UNICEF font aussi état d’un taux élevé de la mortalité infantile chez cette peuplade.

La destruction de leur habitat : la forêt…

Les relations entre les Bantous, ethnie majoritaire au Congo et les peuples autochtones sont souvent conflictuelles et se traduisent souvent par des actes de marginalisation et de discrimination. D’après le président du RENAPAC, la réalisation des concessions forestières renforce la situation de précarité des peuples autochtones. «La destruction abusive des forêts enlise les autochtones dans la pauvreté car elle leur prive des moyens d’existence les plus élémentaires. La conséquence de cette destruction de leur environnement est que les autochtones s’enfoncent de plus en plus dans la forêt à la recherche des zones propices à leurs activités, s’éloignant ainsi des centres de santé, des écoles et d’autres structures modernes», a-t-il ajouté.

Il existe une autre menace sur la forêt ainsi que ceux qui en dépendent : L’exploitation de l’huile de palme ; en effet des palmiers ont était planté sur plus de 3000 hectares de foret à Batakou permettant ainsi la fabrication d’huile de palme à partir de ses noix. Cette huile est utilisée dans l’alimentation congolaise mais elle est principalement recherchée par les pays du nord pour la fabrication de cosmétique. Les Pygmées renoncent à leur mode de vie pour des emplois dans ce type d’usines (qui détruisent leur habitat) dans lesquelles les Bantous sont hiérarchiquement supérieurs. Ils y exercent des travaux contraignant, pour une rémunération minime.

La sédentarisation d’un peuple nomade…

Les Pygmées sont actuellement dans un processus de sédentarisation due à de multiples facteurs, le principal étant la déforestation massive qui prive ces peuples des ressources naturelles et symboliques, essentielles pour leur survie et à l’origine de la disparition des villages des peuples autochtones ainsi qu’à l’éloignement des zones de chasse.

Des villages communautaires ont donc été créés afin de les amener à se fixer et à s’intégrer dans la société actuelle. Cependant, ils sont obligés de cohabiter avec les Bantous, ethnies majoritaire du Congo, sédentaire et agriculteurs qui ont notamment acquis la maîtrise du fer. Ce peuple Bantou est à l’origine de la déforestation, investissant la forêt pour la fabrication de leurs habitations et la préparation des repas. Ceci entraina la fuite des gibiers habituellement chassés par les Pygmées. Les Bantous étant les seules personnes possédant des terres, les Pygmées n’ont pas accès à la propriété, et sont de ce fait obligés de travailler pour les bantous. Les femmes et enfants Pygmées travaillent dans les exploitations agricoles Bantous, un travail dur, épuisant et peu rémunéré (ex : une étoffe pour 30jrs de travail). Au regard d’un exploitant Bantou ce travail serait trop dégradant et rude pour son peuple. Les Pygmées sont considérés comme des esclaves, ils peuvent même être battus s’ils ne font pas leur travail correctement.

Des problèmes sanitaires importants…

Leur sédentarisation, engendre des problèmes sanitaires, notamment liée à leur faible rémunération, des problèmes de malnutritions apparaissent, ils sont également atteints par d’autres maladies telles que des infections sexuellement transmissibles véhiculées par les hommes Bantous aux femmes Pygmées lors de viols notamment. Ainsi, le virus du sida s’est propagé dans la communauté des Pygmées. Le président du RENAPAC a souligné que les programmes de lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme et la pauvreté ne touchaient pas les peuples autochtones, déplorant la persistance des maladies comme le choléra, la rougeole, la lèpre, la gale et la teigne chez les peuples autochtones. Un problème d’accessibilité aux établissements et personnels soignant est aussi présent.

Les Pygmées n’ont pas accès à l’éducation ce qui les freinent dans leur intégration. Ils n’ont donc aucun moyen d’occuper des postes à responsabilité et ainsi d’enrayer le phénomène de soumissions face à l’ethnie majoritaire, les Bantous.

Forum International sur les Peuples Autochtones, point de départ d’une lutte…

Malgré la Constitution de la République du Congo mise en place en 2002, les peuples autochtones ne jouissent pas pleinement des droits liés à la citoyenneté et continuent d’être marginalisés. Pour remédier aux différentes difficultés que rencontrent les pygmées actuellement et afin d’éviter leur ethnocide menaçant, le Gouvernement Congolais organisa en avril 2007 le Forum International sur les Peuples Autochtones (FIPAC). Ce fut le point de départ d’une lutte pour la reconnaissance et contre la discrimination. Le but de ce forum était de contribuer par le dialogue et la concertation à développer les droits de ces autochtones et de les aider à acquérir plus d’indépendance.

Le Réseau National des Peuples Autochtones du Congo, le combat se généralise

Parce que la majorité des organisations travaillent de manière isolée et qu’il y a très peu de collaboration entre elles, le Réseau National des Peuples autochtones du Congo (RENAPAC) a été mis en place en août 2007 avec l’appui de l’UNICEF afin d’aider les organisations de base à travailler en collaboration dans un but commun. La création de ce réseau était l’une des recommandations du forum international sur les peuples autochtones tenu en 2007 à Impfondo (département de la Likouala).

Ce réseau, réunissant toutes les associations de peuples autochtones du Congo ainsi que leurs partenaires, marque une étape importante dans le processus d’organisation de ces populations en vue de leur pleine participation au processus de développement du pays. Elle permet de faire émerger des leaders appelés à devenir les interlocuteurs fiables du Gouvernement et des partenaires au développement dans la promotion de la reconnaissance et du développement des populations Pygmées. Son rôle premier est l’amélioration de la qualité de vie des peuples autochtones, notamment leur cohabitation. Pour cela, ils emploient différentes mesures sociales en proposant des vaccinations gratuites ou encore en améliorant l’accès à l’éducation.

L’inauguration du siège du RENAPAC le 30 novembre 2009 fut une étape décisive dans la protection des peuples autochtones au Congo. Cet évènement marquait une étape importante dans le processus de reconnaissance, de défense et de protection des droits des minorités en République du Congo. Une nouvelle étape est entamée avec la création du RENAPAC pour le respect des droits des peuples autochtones. Aujourd’hui les peuples autochtones du Congo peuvent se faire entendre en constituant une force unique.

Enfin un plan d’actions en faveur des populations autochtones…

Plus récemment, le Ministère de la Santé, des Affaires sociales et de la Famille, en collaboration avec l’UNICEF et l’Union Européenne, a organisé le 10 septembre 2009 un Atelier National sur la question. Ont donc été réuni les autorités, les acteurs nationaux, les organisations de la société civile et les partenaires du développement afin de procéder à l’adoption de la stratégie nationale et par conséquent d’un plan d’actions pour le changement des normes vis-à-vis des populations autochtones en République du Congo dans le but de réduire les discriminations à leurs égards et améliorer leur accès aux services sociaux de base.

Le 8 novembres 2009, des actions ont été prises par le Gouvernement Congolais afin de renforcer les conditions de vie des peuples autochtones telles que la remise d’actes de naissances aux enfants, la distribution gratuite de médicaments et de moustiquaires imprégnées d’insecticides et la vaccination non payante pour les enfants et femmes enceintes.

La loi de l’espoir, pour la dignité d’un peuple…

En dehors des mesures sociales prises en faveur des peuples autochtones, notamment la vaccination gratuite, l’enregistrement des naissances, la remise d’actes de naissance et la scolarisation, Le 15 janvier 2010, un projet de loi relatif à la promotion et à la protection des droits des populations autochtones a été adopté en Conseil des Ministres en République du Congo.

Une fois adopté au parlement et promulgué, ce texte marquera un pas crucial dans la défense des droits des peuples autochtones. Ces peuples pourront dorénavant s’appuyer sur un texte pour assurer leurs droits tant civils, sociaux que politiques, devenant, juridiquement, des citoyens au même titre que les autres congolais.

Dans la continuité des mesures qu’entreprend RENAPAC, cette loi permettra entre autre de garantir un cadre de vie saine et agréable, de porter les Pygmées au rang de citoyens, de maintenir leurs traditions ainsi que de sensibiliser la population Congolaise.

Enfin un comité de suivie et d’évaluation de la promotion et de la protection des populations autochtones a été instauré au sein du Ministère de la Justice et des Droits Humains. Des représentants des autochtones seront bien évidemment conviés à rejoindre ce comité. Aller à l’encontre des points évoqués par le texte sera puni d’une peine de prison allant de un à vingt ans. Ce projet de loi doit maintenant être validé par le Parlement de la République du Congo.

Le président de RENAPAC, Bernard Ngouonimba Toto, stipule qu’il faut poursuivre le travail notamment en intégrant les peuples autochtones dans la prise de décision. «Le Réseau national des peuples autochtones du Congo (RENAPAC) seul ne pourra jamais accomplir les missions qui lui sont confiées par le présent atelier. Il compte beaucoup sur la participation active du Gouvernement, de l’UNICEF et de tout le système des Nations Unies, de l’Union Européenne, ainsi que des institutions intéressées par la question autochtone. »

Malgré une prise de conscience du Gouvernement, et de solides pistes d’évolution vers un meilleur respect des droits des Pygmées comme citoyens Congolais, il semble que le trajet reste encore long avant que la population des Pygmées ne soient plus menacée mais totalement intégrée.

Par Delphine Berlioux et Julien Roudier.



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